Pourquoi ne pas improviser sur la musique dite « contemporaine » ? L’envie et la nécessité en semblent aujourd’hui émoussées. Il existe certes tout un courant d’improvisation contemporaine, mais rares sont les démarches partant d’un corpus de musiques écrites savantes, à l’opposé du XIXème siècle où les virtuoses y recouraient abondamment.

On pourrait objecter que l’improvisation était dévouée à la mélodie, au thème tout-puissant et prégnant à l’oreille et que sa moindre importance voire sa disparition en tant qu’élément fondateur de la musique a conduit au déclin de ce type d’approche. C’est oublier que la musique contemporaine regorge d’éléments prégnants, multipliant les possibilités et les dimensions de saillance des éléments marquants : ici un accord, comme le fameux du Répons de Boulez ; là le timbre unique du début de Atmosphères de Ligeti. Mais au-delà de ces éléments qui inscrivent l’œuvre dans une culture, la question est bien de savoir si l’on peut improviser sur autre chose que ce que brille à la surface perceptive de l’œuvre, si cela a un sens et une nécessité pour le musicien attiré par ce type de démarche.

Improviser serait alors moins mettre en valeur ce qui l’est déjà mais aller chercher ce qui captive au sens large dans l’œuvre de départ, et être capable de s’en saisir, de le modeler, dans le flux du jeu instrumental, au moment où la musique se fait. Ce mouvement d’appropriation de ce qui vient d’un autre compositeur se conjugue à un mouvement d’affirmation de ce que l’interprète souhaite être. C’est cette rencontre que nous souhaiterions explorer, en l’accompagnant dans le temps : le choix initial de la matière d’improvisation sera déjà un dialogue entre le compositeur et l’interprète-improvisateur, Patrick Defossez. Le moment de jeu instrumental – on pourrait presque parler d’actualisation de l’improvisation – posera de nouveaux choix, et il sera intéressant de solliciter le compositeur pour un commentaire de ce qui aura été produit : l’écoute de ce résultat à son tour engendrera peut-être de nouvelles idées. Ces improvisations seront d’une certaine manière des portraits des compositeurs, non pas pour les représenter, mais pour renvoyer à leur œuvre, passée ou future.

Du point de vue musicologique, il s’agira dans un premier temps de recueillir un ensemble d’informations tout au long du projet, et donc de chaque sous-projet que constituera chaque relation singulière entre un compositeur et Patrick Defossez. Dans un second temps, des thématiques transversales devront être développées, rendant compte d’éléments communs dans l’approche de l’improvisation : l’émergence progressive de ces axes transversaux alimentera la documentation des processus de constitution des différentes improvisations. Un collectif de chercheurs sera constitué, pour contribuer aux différentes réflexions, qui seront reprises dans un livre.

Alain Bonardi

Why shouldn’t we improvise using so-called ‘contemporary’ music as our foundation? These days, both our desire to do so and the need to do so seem somewhat muted. This is not to deny that there’s a whole school of improvisation centred on contemporary music, but it is rare to see art music employed in this way, in contrast to the 19th century, when expert musicians drew widely on this fund of music.
One might raise the objection that improvisation was devoted to the melody, the all-powerful theme of such significance to the ear. Its diminishing importance, if not its virtual disappearance as one of the foundation stones of music therefore led to the decline of this musical approach. However, this would be to forget that contemporary music is packed full of significant elements, multiplying the opportunities for and the degree of prominence of key musical moments: here a chord, like the famous example in Répons by Boulez; there a unique timbre at the start of Ligeti’s Atmosphères. But above and beyond the elements that make an œuvre into part of a culture, the key question is to find out whether it’s possible to improvise on the back of something other than that which is immediately perceptible, that which lies on the surface of the œuvre. Could there be meaning, or even urgency - a real need – in the answer to this question, which is posed by the musicians who are interested in this type of approach?

Improvising, in this sense of the word, is less about adding to that which already exists and more about seeking out whatever it is about the base oeuvre that captures our imagination. Then the idea is to grasp its essence, to create from it, drawing from the ebb and flow and interplay of instrumental music, coming back to the moment where the music itself is born. The appropriation of something that comes from another composer combines with a statement of desire – what person does the person interpreting this music want to be? This is the interface in time that we would like to explore: the very choice of music to be improvised is a dialogue between composer and musician-improviser, Patrick Defossez. The instrumental movements themselves – one could nearly speak of the ‘up-dating’ nature of the act of improvisation – throw up new choices to be made and it would be interesting to ask the composer to comment on the end result: listening to this result could in turn give rise to new ideas. These improvisations in some respects can be seen as portraits of composers, not in the sense that they form an image of the composer, but rather that they refer us back to their work, past or future.
From a musicological point of view, the first stage is to gather up information during the course of the project. Each sub-project will represent each aspect of the very special relationship between the composer Patrick Defossez. Later on, transversal themes will be developed, revealing the shared elements in the improvisation process: the progressive emergence of these transversal ‘lines of enquiry and exploration’ will contribute to the documentation of the processes by which the different improvisations are created. A group of researchers will be formed who will add their thoughts to the mix, which will be collated and published in the shape of a book.

Alain Bonardi