Jouer la nef

Le visiteur qui entre dans la nef de l’Hôtel-Dieu est d’emblée saisi par la beauté du lieu, par sa lumière apaisante, mais aussi son acoustique, sa résonance, longue, claire et peu brouillée ; il est possible de se parler de loin très distinctement. Cette empreinte acoustique elle aussi apaisante m’a saisi lors de ma première visite du lieu, et la signature sonore du bâtiment reste le premier souvenir que j’en garde. Mon premier réflexe sur place a d’ailleurs été celui de l’organiste que j’ai pu être autrefois : comment « jouer » la nef de l’Hôtel-Dieu ? La commande d’une installation sonore m’a placé dans la situation d’un facteur d’orgue rêvant d’un instrument pour un lieu, en imaginant les registres et les jeux de tuyaux : quel instrument concevoir pour la nef ?


C’était décidé, l’installation ne serait pas seulement diffusée dans ce lieu ; elle viendrait bien interroger le lieu : par ses propriétés physiques, le son révèlerait la nef, et les fréquences qui le composent interrogeraient les proportions de l’espace. D’une certaine manière, il s’agit de comprendre l’espace en l’écoutant, de l’arpenter pour l’entendre et le découvrir. Le dialogue de la musique et de l’écoute qui se noue habituellement au concert trouve dans l’architecture de la nef un nouveau support, un miroir sonore tendu à chacun, un appel à l’écoute, à la réflexion, au retour sur soi tout en se projetant dans cet espace.

C’est à une immersion active dans le son et dans le lieu que je vous convie, non sans relation avec l’immersion dans les champs colorés proposée par Caroline Coppey dans son exposition Résonance de la couleur présentée au même moment à la Pharmacie.

Alain Bonardi

Précédente    |     Accueil     |     Suite